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3) Saint-Mathurin, lieu de passage : les routes et le fleuve.


La levée de la Loire.
La levée remplissait le double rôle de digue et de route très fréquentée. C’était une des deux routes de première classe de l’Anjou, avec celle d’Angers à Paris par Le Mans. Et c’était des deux la mieux entretenue :

Un « Etat des routes du département de Mayenne et Loire » 1 de décembre 1791 lui donne 28.577 toises jusqu'à la limite du département, pavées à 93 % et le reste en empierrement. La levée représentait 8 % des routes du département, et 60 % des routes pavées !

Il n’est pas surprenant que l’ingénieur Mignot de Montigny2 s’extasia en 1752 sur « les chemins superbes des levées de la Loire » qui forment « de magnifiques chaussées toutes de niveau dans l’espace de soixante dix lieues de longueur depuis Saint Diay jusqu’au pont de Sorges ».

En fait l’entretien de la digue profitait à la route qui la coiffait.

A l’excellent état de la route et à l’absence de côtes, s’ajoutaient les abris et gîtes des bourgs peuplés accrochés à la levée.

Ainsi les habitants de la levée étaient habitués aux passages. Déjà dans son mémoire sur l’Anjou de 1697, Miromesnil, intendant de Tours, affirmait : « Le pont de Sorge sur l’Authion est un des plus grands passages du royaume pour les courriers et le commerce » 3. Et les riverains (maraîchers, restaurateurs, viticulteurs.) pouvaient espérer en tirer bénéfice : l’auteur du « Tableau de la généralité de Tours » estimait vers 1762 à la somme considérable de 240000 livres par an le produit que le passage des « voyageurs, commerçants, rouliers et voituriers » rapportait sur les deux grandes routes de Nantes à Paris, par la levée et par La Flèche.4

En 1594 existait un relais de poste important à Saint-Mathurin.5 Il existait encore en 17426, mais avait disparu vers 1762, remplacé par un relais à La Ménitré7. Les nombreux relais sur la levée (Les Rosiers, La Ménitré , La Daguenière, Saint-Martin-de-la-Place) témoignaient de la fréquentation de cette route8.


Mais cette route était dangereuse. En 1791 un membre du Conseil Général du département affirmait que la route d’Angers à Tours par Baugé et Noyant était utile, entre autres raisons, « en ce qu’elle fait éviter au voyageur la levée de la Loire toujours dangereuse. »9 Et en 1752 Mignot de Montigny remarquait10 qu’« il seroit a souhaiter qu’on élargit les levées par en haut, elles seroient moins dangereuses la nuit »

En effet la route sur la levée n’avait que 4 ou 5 toises de largeur et rien ne protégeait les attelages (ni les piétons croisant les attelages ...) d’un plongeon dans la Loire ou dans la vallée, ce qui arrivait souvent. En 1771, l’évêque d’Angers avait sauté de sa voiture pour éviter un semblable accident. Une roue lui dépouilla la moitié de la tête. La décision fut prise alors de construire des parapets de terre revêtus de gazon. Mais ils rassuraient plus qu’ils ne protégeaient, et avaient les inconvénients de rétrécir la chaussée et de retenir les eaux de pluie11. De semblables parapets existaient en 1779 de Montsoreau à La Bohalle12. En 1788 un arrêt du Conseil décida que les propriétaires des terrains voisins de la levée devaient planter sur le talus, du côté de la vallée, une haie vive « en épine blanche, orme ou sureau ». En contrepartie le roi leur abandonnait la jouissance de l’herbe qui croissait sur les talus en dessous des haies (ils pouvaient la faucher mais pas la faire pacager)13.

Les routes et ports de la Vallée.

Dès que l’on quittait la levée, se déplacer n’était plus aussi simple, surtout en hiver. Certes, les « rues » le long desquelles habitaient une partie des habitants permettaient le contact avec les hameaux éloignés du bourg. Mais dans l’ensemble les chemins étaient très mauvais : « La nature des terreins et les eaux les rendent extrêmement mauvais en hyvert » 14. Les inondations de l’hiver coupaient les chemins ou les couvraient de boue. La dépression de l’Authion gorgée d’eau isolait les deux parties de la vallée, et c’est sans doute pour cette raison que la dîme dite de la grange rouge, levée dans la partie de Mazé au sud de l’Authion, était affermée avec celle de Saint-Mathurin15.


Les ports ou bacs : En dehors de ces débordements, les cours de l’Authion, de ses bras secondaires et de ses affluents représentaient des obstacles. En 1756 le juge gruyer comptait cinq ports pour traverser l’Authion, dont deux principaux au Porteau et au Montil à Beaufort.16 Au nord de Saint-Mathurin existaient aussi les ports du Gué de Mazé et surtout du Gué d’Anjean. Ils étaient concédés avec un monopole à des particuliers qui percevaient un droit de passage sur les « charières » (bacs)17


La « levée » de Beaufort : La seule « vraie » route transversale était la « levée » ou chemin de Beaufort à la Loire. Cette levée construite en 168518 menait en droite ligne du port du Montil sur l’Authion au port Saint-Maur sur la Loire (en face de l’abbaye de Saint-Maur), près du manoir de La Ménitré, paroisse des Rosiers. Cette « levée » est maintenant la rue principale de La Ménitré et la route menant à Beaufort.

Cette route était le principal accès à Beaufort, capitale administrative, judiciaire et économique du comté, où avait lieu le grand marché du mercredi. En 1787 le maire de Beaufort écrivait que 19 :

« la levée de Beaufort à la Loire est la seule voie de communication qui reste pendant l’hyver aux habitants de cette ville. que l’entretient de cette levée est aux frais du roi sur l’Etat des Turcies et levées, qu’elle est aujourd’hui rompue en deux endroits depuis Beaufort jusqu ‘au premier pont ; que les voitures n’en peuvent sortir sans le concours d’un nouvel attelage, ce qui nuit infiniment au commerce. »

La route menant à la Levée était donc encore à la Révolution le principal lien entre les paroisses des deux côtés de la dépression latérale, et sans doute le seul utilisable en hiver. Cette importance détermina la construction d’un pont au port du Montil à la fin du 18e siècle.20


La route d’Angers à Longué par Beaufort suivait un cours parallèle à la levée. Elle nécessitait de fréquents travaux, de par la nature du sol. La municipalité de Beaufort envoyait requête sur requête pour faire travailler à cette route qui permettait les relations avec la capitale de la province. En 1784, dans une requête, les habitants de Beaufort, Saint-Pierre-du-Lac, Mazé, Corné, et Andard demandèrent à travailler pour la corvée non pas sur les routes de Baugé à Saumur ou de Jarzé à Baugé comme d’habitude, mais sur celle de Beaufort à Angers :

« cette communication réclamée depuis longtems est des plus importantes pour le commerce des denrées et pour les foires qui se tiennent dans ces deux villes. La manufacture de toiles de vaisseaux établie à Beaufort, qui y fait subsister tant de malheureux des villes et campagne, éprouve, ainsi que le public, une très grande difficulté pour le transport des toiles, à cause du mauvais état du chemin de Beaufort à Angers par Mazé, Corné, Andard et Trélazé ». Un correspondant du maire de Beaufort affirmait la même année que «  les habitants d’Angers ont beaucoup solicité [dans ce but] M. l’intendant pendant son séjour dans cette ville » 21 En 1782, sans doute à cause du mauvais état de la route, le voiturier s’occupant de la messagerie de Beaufort à Angers passait par la levée de la Loire, jusqu’à La Ménitré, puis empruntait la levée de Beaufort à la Loire22.

En 1791 le Conseil du département estimait que c’était une « communication avantageuse pour un pays qui fournit beaucoup de denrées à la ville d’Angers » 23 Mais dans le même document, un tableau des routes de décembre 1791 porte « cette route n’est ouverte que depuis Angers jusqu'à la partie du Bourg d’Andard. » Elle était à 60 % en « terrein naturel ». Rien n’avait changé, par manque de fonds.

La route qui menait à Baugé était moins utilisée et dans un pire état. Une requête présentée en 1768 pour en changer le cours resta sans suite.24

Le commerce fluvial.

Les habitants de la vallée devaient sans cesse veiller à ce que la Loire n’empiète pas sur leur domaine. Mais la proximité du fleuve avait quand même des avantages. La Loire et la levée constituaient une voie commerciale de première importance pour la région et même pour le pays. A cette époque le transport par voie d’eau était de loin le moins coûteux.

Or la Loire restait navigable très loin à l’intérieur du pays, jusqu’à Nevers et au-delà. Son cours orienté est-ouest permettait de remonter à la voile en bénéficiant des vents d’Ouest dominants. On économisait ainsi le prix du halage tout en gagnant du temps. A l’est du coude d’Orléans, le canal de Briare donnait accès au bassin de la Seine et à Paris en évitant les méandres de la Seine, qui compliquaient la remontée à la voile.25

Ces avantages permettaient déjà de dire en 1661 « La rivière de Loire… estant le plus grand fleuve et le plus important du royaume…fait la meilleure partie du commerce de France » 26


Les voyageurs.
Les moins fortunés s’embarquaient sur des bateaux de commerce. Les autres empruntaient les coches d’eau, de grands bateaux pontés spécialisés dans le transport des personnes.27 Les plus fortunés disposaient d’une « cabane », un bateau portant une petite maison ou un simple abri, suivant leurs moyens. Le bateau était pour les voyageurs comme pour les marchandises le moyen de transport le plus économe, à défaut d’être le plus régulier. Les voyageurs utilisaient souvent le bateau pour se rendre en pèlerinage. Les bateaux ne circulaient que de jour par crainte des obstacles. La nuit, les voyageurs faisaient halte dans les auberges sur le bord de la levée ou restaient sur le bateau s’ils n’en avaient pas les moyens.


Les produits.
Les riverains de Saint-Mathurin voyaient passer devant leur bourg des bateaux chargés des productions des forges et hauts fourneaux de Cosne (1000 tonnes en 1790) et des environs, ainsi que des trains de bois, destinés aux arsenaux des côtes de l’ouest et d’énormes quantités de charbon.28

Dans l’autre sens remontait le sucre des Antilles, qui était raffiné le long de la Loire à Nantes, Angers, Saumur, et surtout Orléans qui ravitaillait Paris. 29

Le sel de Bretagne remontait aussi par la Loire, et souvent grâce aux faux-saulniers. D’où des brigades de gabelous installées le long du fleuve, y compris à la Marsaulaye.

Grâce à la Loire l’Anjou pouvait aussi exporter ses productions :

Le Saumurois vendait ses vins blancs, les plus estimés à des courtiers hollandais, les autres partaient pour Paris avec les eaux-de-vie. On vendait aussi du blé, du tuffeau, des amandes.30 Saumur servait d’entrepôt à la Vallée d’Anjou et entretenait un commerce très actif avec Nantes et Orléans (c’est-à-dire Paris)31.

Angers pouvait vendre ses ardoises, ses étamines et ses toiles à voiles. Des manufactures de toiles à voiles se développèrent à Beaufort et Angers, grâce à la culture du chanvre et à la proximité de la Loire, qui facilitait les relations avec les arsenaux atlantiques en pleine expansion.32 Toute cette activité était favorisée par l’essor du commerce avec les colonies (Saint-Domingue en particulier.)33 et de la Marine Royale.


Les bateaux du commerce.
Le déséquilibre entre le volume à la remonte et à la descente favorisa la création de navires exclusivement employés à la descente, en sapin, d’où le nom de sapines. Les sapines étaient quant à elles démontées à l’arrivée, et le bois vendu à bon prix, car plus rare en aval de Tours. D’où le choix de la construction à clin (les planches de bordure se chevauchant) et du chevillage en bois plutôt que du clouage. La cohésion du bateau était moins assurée et la main d’œuvre nécessitée par la construction importante, mais le démontage plus facile.

Le chêne, plus cher mais plus solide et résistant à l’eau, était réservé aux chalands et aux toues dont la durée de vie atteignait une dizaine d’années et qui faisaient plusieurs trajets. Les gabares pouvaient comporter du fer.34

En 1760 le nouveau lambris de l’église de Saint-Mathurin « en bois de sapin d’Auvergne »35 était probablement du bois de sapine, ou peut-être de flottage.


La possibilité de naviguer aux allures portantes grâce aux vents d’ouest dominant, et la rareté des méandres, permettait de donner à tous les bateaux un fond plat sans quille et un faible tirant d’eau.36 Selon Roger Dion, le tirant d’eau d’un chaland à pleine charge était de 1 mètre environ.37 En 1802 le préfet de Maine-et-Loire donnait des chiffres encore plus faibles : « dans les quatre mois les plus propres à la navigation, c’est-à-dire depuis brumaire jusqu’à germinal [22 octobre-19 avril], les plus forts bateaux qui partent de Nantes pour Saumur, Tours et Orléans, ne tirent pas plus de 73 centimètres, autrement ils courraient le risque de s’attérer dans le trajet. Il y a trois autres mois où l’on navigue depuis 65 centimètres jusqu’à 487 millimètres. Tout le reste de l’année, la navigation n’est que précaire, et se fait par des bateaux légers appelés sapines, ou autres batteaux n’ayant que le tiers ou moitié de la charge ordinaire »38


Selon Philippe Mantellier, le chaland de Loire faisait 28 mètres de long sur 3 ou 4 mètres, pesait 5 à 10 tonneaux à vide et pouvait transporter 25 à 50 tonneaux de charge.39

Saint-Mathurin et les paroisses voisines de la Vallée d’Anjou profitaient de ce commerce : « Le passage, la facilité des transports par terre et par eau, et la fertilité du territoire le rendent très actif » 40. En l’An II les voituriers par eau de Saint-Mathurin possédaient :

- « un grand bateau portant cinquante milliers »
- « deux autres portant chacun 8 pièce de vins »
- « un grand bateau portant vingt cinq milliers, une autre portant six pièces de vin »
- 3 « grands bateaux »portant « quinze milliers », et divers petits bateaux.41

Les cultivateurs, situés au bord de cette grande voie commerciale, étaient quant à eux incités à développer des cultures industrielles et commerciales.

Un trafic irrégulier.

Les crues.
Le principal problème était celui du tirant d’eau. L’intensité du trafic fluvial dépendait moins de l’offre et de la demande que de la hauteur des eaux dans le lit du fleuve.42 La navigation était fortement ralentie en été, époque où la Loire ne laisse plus qu’un chenal étroit aux bateaux. Le trafic dépendait en partie des crues et de leurs irrégularités. Des voituriers par eau chargeaient du vin « pour le conduire à la prochaine creue d’eau qui viendra » 43. A Saint-Clément-des-Levées un contrat entre un maître marinier et ses compagnons indiquait qu’ils « reprendront leur voyage sitôt que l’eau pourra faire flotter les bateaux » 44

De même les glaces pouvaient interrompre le trafic en hiver. Et il fallait aussi tenir compte des vents contraires et du mauvais temps.

La multiplication des péages ralentissait le commerce.
Les marchandises circulant sur la Loire étaient soumises à diverses taxes :

- Le droit de traite. L’Anjou comme la Touraine appartenait aux cinq grosses fermes, mais la Bretagne était une province « réputée étrangère » . Les produits qui descendaient la Loire vers Nantes étaient taxés.

- Des droits de péage appartenaient à des particuliers, sur tout le cours de la Loire.

Les droits perçus au XVIIIème siècle étaient faibles, mais les voituriers et les marchands se plaignaient du retard causé par les arrêts fréquents, et par la paperasserie. :45

La monarchie s’ingénia à diminuer le nombre de ces péages, qui passa d’environ 120 à la fin du XVIIème siècle à 35 vers 1789 46 : de temps en temps le Roi obligeait les seigneurs péagers à présenter leurs titres et supprimaient les droits de ceux qui ne respectaient pas les délais47. Les marchandises exonérées de droits devinrent de plus en plus nombreuses.

La durée très variable des trajets entraînait des retards de livraison et l’avarie des marchandises. Parfois les négociants préféraient le transport par routes, plus sûr et régulier mais beaucoup plus cher.

Les dangers de la navigation.

Les glaces.
Elles représentaient un grand danger pour les bateaux qu’elles pouvaient écraser sous leur pression. En 1780 et 1785 le maître marinier Genuf Piau de Saint-Clément-des-Levées perdit ainsi deux bateaux et leurs marchandises, pour une valeur totale de 2600 livres.48

Mariniers et riverains craignaient particulièrement les « débacles » : Pendant les grands froids les eaux se chargeaient de glaçons soudés par paquets. Ils s’accumulaient en rencontrant un obstacle, banc de sable, îles ou pont, et lors du redoux les glaces se détachaient en grosses masses qui écrasaient tout sur leur trajet. C’était la « débâcle » des glaces, ou « dépille » quand elle était causée par un pont, ce qui était fréquent. La glace détruisit plusieurs ponts.49

Elle menaçait la levée car elle ravageait son revêtement, augmentait la hauteur des eaux qu’elle retenait, et provoquait ainsi des ruptures.


- Le vicaire de Saint-Clément écrivait en 172950 :

« Ce dépille arriva la première fois du jeudi au vendredi le long du costeau, porta sur le chantie [chantier] a Cunault des grands bateaux jusque sur les murailles a plus de trente pieds de hauteur, l’eau étant dans son cours ordinaire. Le depille du cote de la levée arriva le vendredy sur les neuf heures, la glace etant sur la levée, et l’eau retenue par la glace un peu en deça de la croix Thibault, étant sur le point de traverser en plusieurs endroits de plus de dix pieds de hauteur, ruina toutes les isles depuis Saumur jusqu’au dessus de St Mathurin, fit dans cette paroisse ou sur ses confins trois brèche… rompit et cassa nombre de bateaux. »


- A Saint-Mathurin en janvier 1789 un navire chargé d’ardoises d’Angers a été « coulé à fond lors de la desserre de la ditte glace. » Le voiturier « déclare que les glaces s’étant mises tout à coup dans la Loire, il n’a pû se mettre en meilleure garre. » 51 Le même mois de nombreux bateaux furent victimes des glaces.52


Les bancs de sable et autres obstacles.
- Le lit de la Loire est encombré par les sables, ce qui donne au chenal une certaine mobilité. Les rives sont encore bordées de loin en loin par des fosses longues et étroites appelées « mouilles », qui alternent avec des hauts fonds ou des îles. Il fallait une longue expérience aux mariniers pour déterminer l’emplacement des « seuils » reliant les mouilles, et pour apprécier la profondeur de l’eau dans les passages délicats. Souvent les navires « s’engravaient », s’échouaient sur un banc de sable. On pouvait alors essayer de le dégager en creusant un chenal, ou de récupérer le chargement si le bateau était irrémédiablement endommagé.

- D’autre part les navires risquaient de se heurter à des arbres ou à des débris de « bâtons de quartier » cachés sous la surface de l’eau. Les bâtons de quartiers étaient d’énormes perches servant à diriger le navire en s’appuyant sur les fonds. De tels accidents étaient fréquents.53 En 1780 près de Saint-Clément-des-Levées un bateau chargé d’ardoises « est allé au fond de l’eau à cause d’un bâton de bateau cassé et resté piqué dans le sable (...) les conducteurs de ladite marchandise ne pouvaient pas deviner que le baton etoit en l’eau d’autant plus qu’il n’y avait que le dit endroit par où passer » 54. En 1788, un autre accident eu lieu en face du bourg de Saint-Mathurin « occasionné par un bâton de quartier qui etoit ensablé suivant les apparences depuis plus de six mois pour partie et couvert d’eau »55


Le balisage et le nettoyage de la Loire.
Le balisage et le nettoyage du chenal étaient donc très important. La « Compagnie des marchands fréquentant les rivières de Loire et d’Allier » en était chargée, mais le travail était mal fait.56Les seigneurs péagers, qui justifiaient en partie leurs droits par l’entretien du fleuve, et auraient du aider la compagnie, ne s’en souciaient nullement57.

En 1697 l’intendant Miromesnil écrivit « on se plaint en Anjou des abus qui se commettent dans le balisage de la rivière de Loire, notamment au dessus des Ponts de Cé, où on ne travaille que fort rarement »58

Finalement en 1772 la Compagnie fut supprimée et le balisage confié à des entrepreneurs des Turcies et Levées. En 1783 le balisage passa sous la responsabilité des ingénieurs des Turcies et Levées. Un règlement minutieux fut édicté mais mal appliqué, les naufrages restèrent fréquents faute d’un bon balisage, malgré une nette amélioration.

De 1784 à 1787 il y eut 37 bateaux naufragés ou avariés. En 1787 l’Inspecteur Général des Turcies et Levées expliqua pour sa défense :
« Quand il y aurait dix, vingt mille mariniers, cinq cent ou mille bateaux de balisage (...) quand cette armée veillerait jours et nuits à baliser, elle n’empêcherait pas quelques naufrages dans cette étendue, causés ou par des souches, ou par des arbres, ou par des bâtons cassés. Cette armée n’empêcherait pas non plus les naufrages causés par les tempêtes, par les inondations, par les glaces, par les friponneries des patrons, des mariniers, et que tant qu’on naviguera sur les rivières il y aura des naufrages. » 59


NOTES DE BAS DE PAGE (WEB)

1 Département de Maine et Loire. Conseil Général. Recueil de textes 1791-an V. B.M.A : H(2) 2050.
2 Mignot de Montigny. Voyage dans l’Orléanais, le Blésois, la Touraine, l’Anjou et la Bretagne. Edition critique de M.-T. Cottenceau (mémoire de maîtrise 1986). Pages 103 et 87 du « Voyage »
3 Mémoire de Miromesnil sur l’Anjou en 1697. Publié dans Archives d’Anjou de Marchegay. Page 4.
4 Tableau de la Généralité de Tours 1762-66, partie angevine publiée dans Tableau de la Province d’Anjou, Abbé Uzureau, page 107.
5 Tenu par André de Coulonges en 1594, Charles Taugourdeau en 1708. Célestin Port Dictionnaire historique et biographique de Maine-et-Loire, article « Saint-Mathurin ».
6 A.D.M.L., 5E16/93. Le 24/3/1742, sous bail de Gilles André Tessié Mre de poste de St Mathurin résident aux Rosiers.
7 Tableau de la Généralité de Tours 1762-66, partie angevine publiée dans Tableau de la Province d’Anjou, Abbé Uzureau, page 145.
8 « Carte générale des postes de France » de 1728. Photo dans Autour des routes des postes, page 37
9 Département de Maine et Loire. Conseil Général. Procès-verbal de la session de 1791, page 164.
10 Mignot de Montigny. Op. cit. page 89 du « Voyage »
11 François Dumas. La généralité de Tours au XVIIIe siècle (1766-1783), page 241.
12 L. Marboeuf L’administration des voies publiques en Anjou à la fin du 18e siècle, page 40
13 François Dumas, op. cit., page 242. En 1852 la municipalité de Saint-Mathurin a, d’après les souvenirs d’anciens du village, établit une liste des possesseurs en 1788 et 1852 des terres voisines de la levée soumises à cet arrêt. (A.D.M.L., 121-S-85, dossier « 1850-1860 »)
14 A.D.M.L., 1-L-272 : Daillé commissaire du directoire exécutif près l’administration de Port-la-Vallée (Saint-Mathurin) 17 nivôse an 6 (6/1/1798)
15 A.D.M.L., G 396 : Bail à ferme du 19 août 1771.
16 Archives de Beaufort DD6 (ex DD5), procès-verbal des bois communes et rivières de la grurie. 1756.
17 Ce qui posait problème en cas de carences. En 1732 Gaugin juge gruyer de Beaufort découvrit que la « charayre » du Porteau était hors d’état et le pontonnier absent depuis cinq semaines. Au grand préjudice des voisins et étagers du comté mais aussi des habitants des Rosiers, Saint-Clément, Saint-Martin, Gennes, etc. car c’était le seul chemin pour aller au marché de Beaufort et pour exploiter les terres de l’autre côté. Ils étaient obligés de passer les foins avec leurs bœufs et charrettes au port du « guay d’Angean » à une lieue. Il autorisa temporairement les pêcheurs à faire le passage et à en percevoir le droit. A.D.M.L., 8-B-37.
18 Pétition des habitants de Beaufort au Contrôleur des finances, 1751. A.N. : F 14 /199, cité par Roger Dion dans Le Val de Loire. Etude de géographie régionale. page 599.
19 Archives de Beaufort, DD10 (ex DD8) : Lettre du maire à l’intendant d’Aine. 27/11/1787.
20 La décision de supprimer le bac fut prise en 1760. (Archives de Beaufort. : N11. jugement rendu contre la commune de La Ménitré. Début 19e). Le pont apparaît déjà sous son nom actuel de « pont rouge » sur la « Carte générale de l ‘ancienne forêt de Beaufort. » de 1785. (A.D.M.L., 1 Fi 482).
21 Archives de Beaufort DD10 (ex DD8), requête des habitants à l’intendant d’Aine. (Vu par lui le 27/12/1784). Et lettre du 16/10/1784 « Des Rosiers Aulais »(?) à Sellier de la Moisinière. Utilisation prévue de fonds de charité pour « votre levée tendant à St Mathurin » (le bourg de Saint-Mathurin était plus proche de la route que celui des Rosiers).
22 A.D.M.L., 5E16/272. Procès-verbal d’accident du 24/3/1782. Le voiturier était tombé de la levée avec une de ses voitures, du côté des champs.
23 Département de Maine et Loire. Conseil Général. Procès-verbal de la session de 1791, page 170.
24 Archives de Beaufort (DD10 ex DD8), En 1768 dans une requête communes des habitants de Beaufort et Baugé à Monsieur de Trudaine surintendant des Ponts et Chaussées, pour l’ouverture d’une nouvelle route:
« Les chemins sont si mauvais pendant le courant des mois de décembre, et ceux qui suivent jusqu'à la fin avril que les voitures n’y peuvent rouller dans cette saison ; puisque les chevaux n’y passent que difficilement, pendant le courant de décembre, janvier et février : ce qui interromp la communication pour la vente des denrées » Les réparations ne tiennent pas à cause des terres grasses et argileuses. Cette route permettrait de voiturer en tout temps des denrées vers la Loire éloignée d’une lieue de Beaufort « dont le chemin de la Turcie, qui y conduit a été réparé depuis 5 ans, et doit être continué jusqu'à la levée ».
25 François Beaudouin. La marine de Loire et son chaland cité par Bénédicte Dezanneau  Les hommes et la Loire à Saint-Clément-des-Levées. 1750-1789. page 30.
26 Arrêt du conseil 3/2/1661 cité par Billacois « La batellerie de la Loire au XVIIe siècle » R.H.M.C. page 163.
27 J. &C. Fraysse Loire Angevine et Maine page 27.
28Françoise de Person, Bateliers sur la Loire page 153. Le fermier du péage de Saint-Thibault (perçu à Cosne) donne le chiffre de 2000 bateaux de charbon passant par an peu avant 1789.
29 Patrick Villiers & A. Senotier Une histoire de la marine de Loire 1996, page 110 à 122.
30 J. &C. Fraysse. Op. cit. page 33 et 38.
31 Tableau de la Généralité de Tours 1762-66, partie angevine publiée dans Tableau de la Province d’Anjou, page105.
32 Roger Dion, Op. cit. page 597
33 Roger Dion, Op. cit. page 591
34 Patrick Villiers & A. Senotier Op. cit. , pages 22 à 25.
35 A.D.M.L., 5E16/22. 31/8/1760. Marché d’ouvrage entre les procureurs de fabrique et des menuisiers.
36 Patrick Villiers & A. Senotier Op. cit. , pages 22 à 25.
37 1,08m dans : Roger Dion « Orléans et l’ancienne navigation de la Loire »Annales de Géographie 1938 page 147, d’après François Billacois « La batellerie de la Loire au XVIIe siècle » R.H.M.C. 1964, page 175.
38 A.D.M.L., 6M (ancien 54M1, reclassé). Essais de statistique du département, présenté au ministre de l’Intérieur le 30 fructidor an 10 (1802)
39 Philippe Mantellier. Histoire de la Communauté des marchands fréquentant la rivière de Loire et fleuves descendant en icelle. page 267, d’après Bénédicte Dezanneau, Op. cit. page 37. D’après Mantellier la toue était nettement plus courte que le chaland (15m X 3m ) et réservée au transport des marchandises délicates et des passagers. D’après Billacois (page 173) la toue était légèrement plus courte et plus large que le chaland.
40A.D.M.L., 1 L 272. Rapport de Daillé commissaire du directoire exécutif près l’administration municipale de Port-la-Vallée (Saint-Mathurin) 17 nivôse an 6 (6/1/1798)
41 A.D.M.L., 2 L 63 « Recensement des mariniers, bateaux, ports et marchandises du district par communes » 18 nivôse an II (7/1/1794)
42 François Billacois, Loc. cit. page 165.
43 1668, minute notariale, d’après François Billacois, Loc. cit. page 165
44 A.D.M.L Minute Guittoneau 17/2/1787. Cité par Bénédicte Dezanneau, Op. cit. page 36.
45 François Dumas, Op. cit. pages 78 à 80.
46 Françoise de Person, op. cit. page 153.
47 François Dumas Op. cit. page 198.
48 A.D.M.L., Minute Cornilleau 24/10/1788 d’après Bénédicte Dezanneau, op. cit. page 48.
49 En 1684 « le 18 février, les glaces emportent quatre arches des Ponts de Cé ; le 22, les glaces jointes à la hauteur des eaux emportent une longueur des Ponts de Cé avec deux moulins » (Journal de l’avocat Toisonnier.) En janvier 1789, quatre arches des Ponts-de-Cé étaient de nouveau emportées. Célestin Port « Les inondations dans le département de Maine-et-Loire. » dans Questions Angevines page 134, et la R.A. en 1856.
50 Registre des B.M.S. de Saint-Clément 1710-1729, cité par Bénédicte Dezanneau, op. cit. page 46.
51 A.D.M.L., Minute Rogeron 22/1/1789.
52 Célestin Port, « L’hiver en Anjou » dans Questions Angevine, et la R.A., en avril 1880.
53 Pour y remédier un arrêté préfectoral obligea en 1809 les mariniers à graver leurs noms sur les bâtons et à en déclarer le nombre, pour les forcer à retirer ceux qu’ils laissaient dans le chenal. J. et C. Fraysse, op. cit. page 87.
54 A.D.M.L., Minute Guittonneau, Saint-Clément 15/6/1780. Cité par Bénédicte Dezanneau, op. cit. page 49.
55 A.D.M.L., 5E16/276. Procès-verbal d’avarie du 8/10/1788.
56 La Compagnie employait un seul équipage de mariniers pour le balisage entre Roanne et la Bretagne ( 7 équipages créés après 1772 ) Tous les bois coupés sur les rives pour le chemin de halage étaient vendus à leur profit, ce qui entraînait des abus et de nombreux procès. François Dumas, op. cit. pages 250-251.
57 François Dumas, op. cit. page 251.
58 Mémoire sur l’Anjou de 1697 par l’intendant de la Généralité de Tours Miromesnil. Edité par Marchegay dans Archives d’Anjou.
59 François Dumas, op. cit. pages 252 , 255 et 259.